Voile

FRANCIS JOYON A MI-PARCOURS CE SOIR

La navigation à haut risque et à haute tension suivie par Francis Joyon depuis son départ de New York ne lui aura offert à la mi-journée qu’un bref moment de répit ; le temps pour Francis de tirer sur sa barre, et de faire passer ses voiles du côté gauche au côté droit de l’axe de son trimaran, et sa folle cavalcade a repris, le speedomètre flirtant régulièrement avec les 29-30 noeuds. Cet empannage mûrement réfléchi et soumis à la sagacité de son routeur Jean-Yves Bernot va permettre au grand trimaran IDEC de rester au plus fort du filon de vent qui balaie l’Atlantique d’Ouest en Est. Francis Joyon a donc quitté ce cap qui le conduisait droit sur la péninsule ibérique, au profit d’une route plus froide, très humide, sous un ciel chargé et inhospitalier, mais synonyme de forte pression bien orientée vers le nord de la vieille Europe. Les trois étraves rouges vont, ces prochaines heures, infléchir doucement leur course vers les côtes Britanniques et Francis va, comme il le fait depuis New York, poursuivre cet exercice de haut vol qui consiste à piloter à la limite son trimaran géant. « J’ai encore effectué cette nuit quelques « plantouilles » raconte Francis, faisant référence à l’enfournement intempestif de deux, voire trois de ses coques dans la forte houle levée par le coup de vent. « Je vis au même rythme que durant mon record des 24 heures (établi l’an passé avec 666,2 milles nautique!). « La différence est que l’an passé, j’avais pu choisir ma configuration de route pour le record, et naviguer en avant d’une dépression sur mer plate. Je rencontre depuis New-York une très forte houle, parfois désordonnée, qui nuit à la belle glisse du bateau. » La clé de ce record tient, on l’a compris, dans la capacité du solitaire à naviguer longtemps « à la limite ». Point de pause dans ce sprint transatlantique, sous peine de voir le beau filon de vent s’évanouir.Le suspense reste entier dans cette tentative et chaque heure, chaque mille doit être négocié avec un maximum d’efficacité. « Je me suis rapproché très près du centre de la dépression, moins de 50 milles » explique brièvement Francis. « J’ai donc choisi d’empanner pour revenir vers les zones plus actives en périphérie. » Joyon s’emploie donc sur tous les fronts, dans sa réflexion stratégique, qu’il partage avec Jean-Yves Bernot, dans sa vigilance au bon état du bateau, et dans le souci permanent d’être au maximum du potentiel de IDEC dans la force et l’angle du vent donné. De l’état du bonhomme, nous ne saurons rien. Rien qu’une voix toujours aussi posée, qu’un verbe toujours aussi précis, qu’une parole toujours aussi mesurée, dans les bonnes ou les mauvaises nouvelles. On retiendra cependant un léger accent jubilatoire dans sa confirmation du bon déplacement de la dépression. « Nous sommes partis de New York avec une grande incertitude quant à la route qu’allait suivre cette dépression. Un modèle météo sur deux la voyait remonter vers l’Irlande. Il semble aujourd’hui que tous les modèles s’accordent à la voir circuler dans le bon sens… » Un moment ravigoté par un coin de ciel bleu et des températures remontées à près de 20°, Francis Joyon s’enfonce à nouveau cet après midi dans la pluie, l’ombre et le vent nécessaire à l’appétit glouton de son trimaran.

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