Samedi 6 décembre – Le Pot-au-noir raconté par Alexia Barrier
La Zone de Convergence Intertropicale est vraiment un endroit à part. C’est drôle, cet océan Atlantique ; il change sans cesse de visage : du Nord au Sud, d’Est en Ouest, c’est un défilé de paysages, d’ambiances, de lumières différentes.
On croirait naviguer dans plusieurs mondes superposés. Ici, les marins ont tendance à faire la moue : vents incertains, grains imprévisibles… D’où ce nom tristement célèbre : le Pot-au-Noir. Un nom qui, je trouve, ne rend pas justice à cette zone. Parce qu’au-delà de ses caprices, elle offre un superbe terrain d’apprentissage : s’adapter, trouver une route, accepter ce qui vient. La sortie, c’est toujours vers le Sud. Toujours.
Entre les nuages “mangeurs de vent”, ceux qui accélèrent, ceux qui tournent, ceux qui déversent la pluie comme un rideau d’air chaud, c’est une chasse aux indices, un jeu d’enfants qui doivent être pour quelques temps un peu sérieux.

Cette nuit, on a eu droit à une douche sous un grain, la vraie, la tropicale. Et, croyez-le ou non, ce fut l’euphorie, après une semaine de course, se faire rincer par le ciel, c’est presque une fête. On riait comme des gamines sous la pluie. Puis retour à la réalité : on n’avance toujours pas. Et ça va durer.
Encore une centaine de milles dans cette grisaille mouvante, à chercher, chasser l’éclaircie – parce que l’éclaircie, ici, c’est la porte de sortie. C’est un test pour le bateau, mais aussi pour chacune d’entre nous : accepter la lenteur, la patience, le rythme étrange de cette zone. Les plus jeunes s’impatientent, ça bruisse, ça bouge. Toute cette énergie, c’est beau, mais il faut la canaliser.

Moi, je garde en tête une seule mission : faire marcher le bateau, rester focus sur les chiffres, les yeux ouverts sur tout ce que la nature raconte autour. Ici, tu passes d’un nœud à trois, de trois à six, puis à huit, et soudain un nouveau nuage arrive et… plus rien. On avance, puis non, puis si, puis plus du tout. C’est un tango tropical : imprévisible et collant.
Dans cette zone, on en profite aussi pour “ausculter ” le bateau : aller voir dans les recoins, surveiller chaque pièce, déceler la moindre faiblesse que la vitesse nous cacherait. Jusqu’ici, tout va bien. Le bateau respire, et nous avec. Alors on continue, un mille après l’autre, vers le Sud. Toujours vers le Sud. »

Article by Alexia Barrier / The Famous Project CIC
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