Le Groupe IDEC est un acteur reconnu dans la conception et la construction de data centers en France et à l’international. Mais la donnée ne se limite pas aux infrastructures: elle est aussi au cœur des performances d’IDEC SPORT, engagé aux 24 Heures du Mans. Dans cet entretien, Paul Lafargue, pilote et directeur du développement international du Groupe IDEC, ainsi que l’équipe technique via son directeur technique, Julien Briot, expliquent comment la data et l’intelligence artificielle transforment à la fois la course automobile et la stratégie des data centers.

Q : Quels types de données collectez-vous sur la voiture ?
Julien Briot (JB) : Les données brutes issues de la voiture ne sont pas si lourdes : environ 2 Go sur une journée de test. En revanche, les données vidéo, en haute qualité, sont beaucoup plus volumineuses : autour de 100 à 114 Go. Nous travaillons donc à la fois avec des données chiffrées et des flux de données vidéo massifs.
Q : Comment ces données sont-elles gérées ?
JB : C’est le rôle du systémiste. Il récupère toutes les informations de la voiture, les transfère  et les stocke sur ce que nous appelons la data station, une sorte de « boîte noire » qui centralise et diffuse les données via un réseau interne propre à l’équipe.
Q : À quoi servent ces données ?
JB : Elles servent d’abord à contrôler les éléments vitaux de la voiture — moteur, boîte de vitesses, châssis — et à valider la fiabilité des capteurs. Ensuite, elles sont exploitées par les ingénieurs performance pour optimiser les réglages et proposer des évolutions. Enfin, elles contribuent à la stratégie de course.
Q : Justement, quel rôle la data joue-t-elle dans la stratégie ?
JB : Nous utilisons des logiciels comme HH Timing, connectés au chronométreur officiel. Ils nous permettent de visualiser en temps réel les temps au tour, les écarts entre voitures, les arrêts aux stands, et la position en piste. C’est crucial en cas de safety car, par exemple, pour ajuster la stratégie d’arrêt. Le logiciel anticipe aussi le déroulement de la course : il calcule le nombre de tours restants avant ravitaillement et estime la position future de la voiture.

Q : Toutes les équipes utilisent-elles ces outils ?
JB : Non. C’est un choix stratégique de notre part. Nous travaillons directement avec les développeurs pour paramétrer et adapter le logiciel selon nos besoins. Nous utilisons également un module de data management qui centralise les set-up, les feuilles de runs, la consommation de carburant, et les données pneus (pressions, usures, mesures).
Q : Vous expérimentez aussi l’IA dans ce domaine ?
JB : Oui, avec la société Mve.dot. Leur IA génère des rapports personnalisés pour les pilotes à partir de données comme l’angle du volant, la pression sur les pédales ou le GPS. Elle compare avec le meilleur tour et propose des conseils concrets. L’objectif : gagner du temps et donner plus d’autonomie au pilote, sans monopoliser l’ingénieur performance. Nous faisons partie des premiers teams LMP2 à utiliser ce type d’outil.
Q : Quels sont vos principaux défis en matière de data ?
JB : Le premier défi concerne le volume car nous générons énormément de données qu’il faut pouvoir stocker et traiter rapidement. ient ensuite la qualité, puisque la moindre donnée erronée peut conduire à de mauvaises décisions. Enfin, la sécurité reste un enjeu majeur, que nous abordons avec une vigilance constante pour protéger et fiabiliser nos données.
Q : Comment conservez-vous l’historique des données ?
JB : Nous stockons les données sur une station physique que nous transportons. Mais avec l’expertise du service informatique du Groupe IDEC, nous avons mis en place une solution cloud via SharePoint, afin de créer des copies en fin de saison. Cela réduit le risque de perdre nos données en cas de problème matériel.
Q : Peut-on faire un parallèle avec le monde de l’entreprise ?
JB : Absolument. Comme dans l’industrie, la course génère un volume croissant de données qu’il faut stocker, sécuriser et analyser rapidement pour prendre des décisions. L’endurance est un véritable laboratoire accéléré des enjeux data auxquels sont confrontées les entreprises.
Q : La data est aujourd’hui omniprésente. Partagez-vous ce constat, à la fois dans votre rôle chez Idec et dans votre activité de pilote ?
JB : Oui, totalement. Tout tourne autour de la donnée : nos ordinateurs, nos smartphones. Internet a marqué un tournant : le papier fige l’information, alors que la donnée est vivante. Avec l’IA, on franchit une nouvelle étape.


Q : Quel est précisément votre rôle au sein du groupe Idec, et comment se relie-t-il à la question de la donnée ?
Paul Lafargue (PL) : En tant que directeur du développement international du Groupe IDEC, j’accompagne le déploiement de nos projets, en particulier dans le domaine des data centers. Cela signifie mobiliser toutes les expertises du Groupe – recherche foncière, conception, construction et, investissement – pour soutenir nos clients dans leurs projets liés à la donnée. La donnée n’a pas de frontières : elle est mondiale et nous relie tous. C’est dans cet esprit que nous accompagnons nos clients en France, en Europe et en Asie.
Q : Et en tant que pilote, comment utilisez-vous la data ?
PL : En sport automobile, nous sommes immergés dans la donnée. La télémétrie nous donne des courbes d’accélération, de freinage, d’angle de volant… Mais avec l’IA, on va plus loin : elle compare mes tours avec ceux de mes coéquipiers, virage par virage. En quinze minutes, je sais exactement quoi améliorer, là où il fallait une heure auparavant. C’est un gain de temps et d’efficacité énorme.
Q : Voyez-vous aussi l’IA intervenir dans la stratégie de course ?
PL : Oui, cela commence déjà. L’IA aide à décider du meilleur moment pour réagir. Nous ne sommes pas en F1, mais cette technologie se démocratise et va transformer l’endurance aussi.

Q : Revenons aux data centers. Comment les définir simplement ?
PL : Un data center, c’est comme un ordinateur géant à l’échelle d’un bâtiment. On y trouve des milliers de machines, avec des systèmes redondants pour garantir la continuité. La différence avec un data center dédié à l’IA, c’est la puissance de calcul et surtout la consommation énergétique, qui peut être jusqu’à vingt fois supérieure.
Q : Quels sont les grands enjeux liés aux data centers aujourd’hui ?
PL : L’implantation de réseaux électriques puissants, l’accès à la fibre optique et la disponibilité en eau sont déterminants. L’emplacement est également crucial : les data centers deviennent de plus en plus grands et peuvent générer des nuisances. Notre rôle est d’identifier des terrains adaptés – souvent des friches industrielles – et de les transformer en respectant des normes strictes, notamment environnementales. Grâce à notre expertise dans l’énergie et l’immobilier, nous développons des solutions permettant une intégration optimale des data centers au tissu urbain et aux réseaux existants.
Q : Quels projets avez-vous déjà réalisés chez Idec ?
PL : Nous avons investi dans un data center en région parisienne, dans les Yvelines, en entrant au capital et en participant à la construction. C’est représentatif de l’ADN du Groupe : oser des projets ambitieux, avec humilité mais détermination.
Q : Vous avez également conclu un partenariat à l’international ?
PL : Oui, un partenariat qui démarre en France et que nous accompagnons avec une vision internationale. Nous mettons à disposition l’ensemble de notre savoir-faire : de la recherche foncière à la conception et la construction, en passant par l’investissement immobilier. Grâce à la force du Groupe IDEC, nous apportons une solution complète pour soutenir leur développement et bâtir une relation de confiance sur le long terme.
Q : Comment structurez-vous cette expertise en interne ?
PL : Nous avons créé Idec Data Center, une entité dédiée, avec une base française mais une vocation mondiale. Sa mission : accompagner nos clients partout dans le monde sur leurs projets liés à la donnée et aux infrastructures nécessaires.