Il aura fallu toute l’après midi et une bonne partie de la soirée d’hier au grand trimaran IDEC pour s’extirper des vents instables, perturbés par les sommets des îles de l’archipel des Canaries. « Le vent rentrait, puis disparaissait…. des conditions peu propices à la performance » analysait avec le recul, un Francis Joyon totalement entré dans sa tentative de record contre lui-même. « Je suis depuis le milieu de nuit entré dans ce que l’on va appeler l' »alizé », mais qui, avec son axe dominant au nord est, n’en est pas réellement un. » Qu’importe les termes, le rythme de la course a, grâce à ces flux bien établis, pris des allures de record avec déjà une vitesse moyenne sur 24 heures qui tutoie les 23 noeuds. S’il reconnait naviguer avec un poil d’agressivité en moins que lors d’une Route du Rhum, « où l’on est en permanence à 100%! », il veille à tenir » 95 ou 98% des polaires du bateau ». L’idée est d’aller vite, en permanence, toute en demeurant vigilant à ne pas casser. Joyon se dévoue ainsi corps et âme à sa machine, réduisant ses phases de récupération au minimum, afin d’être réactif à la moindre oscillation du vent, ainsi qu’au sens des vagues. « J’ai pour l’heure une houle de face, qui nuit un peu à atteindre de très haute vitesse » décrit Francis alors que les derniers relevés annoncent un trimaran IDEC à plus de 30 noeuds de vitesse instantanée.La Route de la Découverte, au delà de sa puissance évocatrice des grandes heures de l’exploration maritime, s’annonce plus souriante que les routes des records d’Atlantique nord. « Point de brume dans les parages » s’amuse Francis. « Les températures sont douces, un peu comme nos printemps de Bretagne. Mais c’est surtout la pureté de la lumière qui est exceptionnelle, sur une eau très bleue… » Seule ombre à ce tableau idyllique, la présence de nombreux grains qui exacerbent, si besoin était, la concentration du marin. « Je suis sous pilote en permanence, ce qui me permet de régler à chaque instant la GV ou le solent. J’ai en effet abandonné ce matin le petit gennaker, pour le solent plus efficace. J’abats (je m’écarte du lit du vent) sous les grains, et dès que je l’ai dépassé, je reborde à fond et lofe pour réaccélérer. » L’art de naviguer facile selon Maître Joyon, qui nous ferait presque oublier qu’il est bien seul à bord d’un maxi multicoque de 29 mètres. »Je fais tourner un routage le matin, qui me donne la tendance pour ma journée… » L’absence de son routeur « historique » Jean-Yves Bernot s’est surtout faite sentir lors de la pénible traversée de l’archipel des Canaries ; « je pense qu’avec Jean-Yves, j’aurais eu une trajectoire plus efficace, et j’aurais évité les nombreux pièges sans vent sous les sommets. » Point de regret pourtant, et Francis Joyon limite son horizon à l’océan qui s’ouvre devant ses étraves. « J’espère connaitre des conditions moins contrariantes en Atlantique qu’en 2008 » souligne-t’il, « avec des transitions plus franches entre les systèmes. Je dois ainsi pouvoir améliorer encore un peu ce record… »Un peu d’histoire :
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